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Archives par mot-clef : laïcité

Difficultés des jeunes pour apprendre et s’orienter dans le monde d’aujourd’hui

(en guise d’introduction au séminaire par visioconférences du 5/6/2021)

A la suite du séminaire en visioconférences proposé le 5 juin 2021 par notre association « Apprendre et s’orienter » (AESO), je tiens à remercier chaleureusement nos conférencières qui ont accepté de nous aider à réfléchir sur des sujets d’actualité particulièrement complexes à partir de leurs multiples compétences respectives :
– Mme. Frédérique Sicard, Professeure agrégée de langue arabe, proviseure adjointe de lycée en retraite, est aussi sociologue. Elle nous a parlé de : « La laïcité à l’épreuve des identités chez les adolescents ». Lien vers l’article
– Mme. Elisabeth Chauvet, Magistrate honoraire a été au début de sa carrière psychologue clinicienne, puis elle s’est réorientée en passant les concours de la magistrature. Une belle illustration d’une orientation tout au long de la vie. Sa conférence était ciblée sur : « Le cas des mineurs non accompagnés en quête d’accueil et d’avenir ». Lien vers l’article

Bonnes lectures sur notre site de leur résumé et un accès possible à leur texte avec une bibliographie correspondante. J’en profite pour remercier notre secrétaire Ludovic Pinard qui gère cette activité de maintenance du site, sachant que nous avons besoin d’autres collaborateurs pour assurer la rédaction de rubriques et de comptes rendus. L’association « Apprendre et s’orienter » a fait le pari d’échanger avec des spécialistes sur des problèmes d’éducation de jeunes rencontrant des difficultés particulières d’orientation et d’identité.

Minski (1961)[1] aurait pu qualifier ces questions d’orientation incertaine et complexe, de problèmes « mal définis », pour lesquels il n’existe pas une seule solution, ni une procédure unique de résolution, contrairement aux problèmes « bien définis ». Les premiers problèmes sont les plus nombreux à affronter dans une vie, pourtant ils font le moins l’objet d’apprentissages spécifiques à l’école ! Pour affronter ces problèmes, les jeunes ont besoin du soutien de leurs parents, de leurs enseignants, de conseillers d’orientation etc. afin de leur permettre de construire diverses stratégies en vue de progresser dans un environnement incertain. La rigueur des sciences humaines et sociales paraît parfois bien dérisoire face aux défis que ces jeunes doivent relever !
Le second type de problèmes est davantage enseigné à l’école, et appartient surtout aux sciences prestigieuses (Mathématique, Physique et Chimie par exemples). Ces sciences apportent certes des solutions précises et contribuent à des réalisations concrètes (construction de maisons, de ponts et de fusées spatiales par exemple). Genelot nous met en garde contre un mode de pensée dominant que ces « sciences exactes » pourraient nous imposer : « Dans le domaine des sciences, le paradigme de la science classique, conçu sur le modèle mathématique, a créé depuis trois siècles une sorte de prééminence du « calculable » dans la pensée, en allant même jusqu’à disqualifier en « science molle » tout ce qui n’était pas mathématisable, et a imprimé sa marque dans notre façon de voir et de concevoir le monde. Cette empreinte culturelle se double aujourd’hui de l’intrusion massive des technologies digitales dans notre autonomie de pensée[2]. »

En guise d’introduction générale aux problèmes exposés par nos conférencières, je tiens en outre à évoquer celui des réseaux sociaux dont l’emprise sur les jeunes doit être analysée et faire l’objet de prévention, d’éducation aux médias et à la pensée critique (Monjo, 2017)[3], en vue de soutenir et protéger une certaine auto-orientation des jeunes. En effet, les réseaux sociaux s’avèrent être de formidables moyens d’information et de communication instantanée dans le monde entier. Ils peuvent séduire, amuser… mais aussi, en même temps, exercer une emprise redoutable, diffuser de fausses informations grâce à l’intelligence artificielle : « les data, et les algorithmes qui les organisent, font bien plus que documenter nos comportements, ils les fabriquent et récursivement les manifestent – voire les orientent – à partir de critères normatifs autoréférents qui souvent échappent à notre entendement » (Fleurance[4]). Ainsi les jeunes peuvent se trouver piégés, livrés éventuellement à d’odieux chantages et à une vindicte populaire. Il faut appréhender les fonctions des réseaux sociaux avec une pensée dialogique de la complexité, chère à Edgar Morin[5], pour en souligner les multiples facettes. Ils ont souvent été évoqués cette année scolaire pour expliquer à la fois des conflits, des bagarres entre bandes rivales de quartiers, mais aussi des harcèlements voire des assassinats pour des motifs futiles.
Parents, enseignants, éducateurs, conseillers d’orientation… ne peuvent plus se contenter des concepts de socialisation primaire par la famille, ni de socialisation secondaire par l’école, depuis que Harris (1995)[6] a démontré l’immense attrait et le pouvoir d’identification d’un jeune pour son groupe de pairs qui constitue une source de socialisation tertiaire encore plus forte. Or, de nous jours, il nous faut en outre proposer le concept de socialisation quaternaire pour expliquer le pouvoir grandissant des réseaux sociaux (Pithon, 2017)[7]. Ainsi, Saritzky (2009)[8] commente les résultats d’une enquête effectuée aux USA sur l’usage des réseaux sociaux par des adolescents : « 22% d’entre eux vont sur des sites de leurs réseaux sociaux plus de 10 fois par jour, alors que seulement 4% des parents pensent qu’ils le font à cette fréquence. (…) 28% ont partagé des informations personnelles qu’ils ne donneraient pas en public, 39% ont posté une information qu’ils ont regrettée ».

            En périodes électorales méfions-nous des instrumentalisations partisanes s’appuyant sur ces faits sociaux complexes et de la manipulation périodique du sentiment d’insécurité lors de ces étapes importantes de notre démocratie avec des promesses simplistes qui alimentent des discours enflammés. Nous invitons tous les acteurs intéressés par les questions d’apprentissage et d’orientation à nous faire part de leurs suggestions et à nous rejoindre dans le cadre de l’association « Apprendre et s’orienter ».

Gérard Pithon, Président de l’association « Apprendre et s’orienter »


[1] Minski, M. (1961). Steps toward Artificial Intelligence. Proceedings of the IRE, 49/1, 8-30, 10.1109/JRPROC.1961.287775

[2] Genelot, D. La pensée et l’action forment une boucle récursive : La pensée nait de l’action, qui elle-même est le fruit de la pensée. https://www.intelligence-complexite.org/media/document/conseil_scient/pensee-et-laction-forment-boucle-recursive-pensee-nait-laction-elle/open

[3] Monjo, R. (2017). Deux questions à propos de l’implication mutuelle de l’esprit critique et de la laïcité dans l’appréhension républicaine de l’éducation morale et civique. In Pithon G. et Monjo R. (Eds). Éducation et socialisation. N°46, URL : http://journals.openedition.org/edso/2704

[4] Fleurance, F. En quoi le développement de la mise en données de phénomènes, intéresse-t-elle notre intelligence de la complexité ?, Newsletter N°1, Welcome Complexity.

[5] Morin, E. (1990). Introduction à la pensée complexe. Paris : Ed. Du Seuil.

[6] Harris, J. R. (1995). Where is the child’s environment?  A group socialization theory of development. Psychological Review, 102, 458-489.

[7] Pithon, G. (2017). Apprendre à des enfants à « vivre ensemble » : nouveaux défis pour les familles et les écoles de la République. In F. Olabarrieta Artetxe, L-M Iturbide Luquin & A. Etxaniz Aranzeta (Eds). Le développement psychosocial par la co-éducation (famille, école, communauté).San Sebastian : Université du Pays Basque, 61-71.

[8] Saritzky, M. (2009). Is Social Networking Changing Childhood ?  https://www.commonsensemedia.org/about-us/news/press-releases/is-social-networking-changing-childhood

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La laïcité à l’épreuve des identités chez les adolescents – Frédérique Sicard

Frédérique Sicard, Professeure agrégée de langue arabe,
Proviseure adjointe de lycée en retraite, docteure en sociologie

L’école, à juste titre, renvoie les convictions de chacun à la sphère privée. Au nom de quoi elle ignore l’existence de ces convictions chez ses élèves, les abandonnant dans leur quête spirituelle et identitaire et refusant de voir les conséquences de cette conception d’une laïcité mal comprise.

De plus en plus, hélas, de tragiques événements révèlent ces conséquences. Notre laïcité, pourtant, n’est pas incompatible avec une prise en compte du fait religieux à l’école.

Si les faits religieux sont présents dans les programmes scolaires, il y a aujourd’hui urgence à établir entre eux les liens indispensables pour que tous les élèves, quelles que soient leurs références culturelles, familiales, personnelles, comprennent non seulement l’histoire de l’humanité mais aussi celle de nos sociétés contemporaines.

Mots-clés : école ; identité ; laïcité ; religion ; cohésion sociale

Pour en savoir plus vous pouvez accéder à des articles en libre accès de F. Sicard sur Cairn : https://www.cairn.info/publications-de-Sicard-Fr%C3%A9d%C3%A9rique–78609.htm

Références citées dans la conférence de Frédérique SICARD :

BEN AYED Choukri et al., 2021, Grande pauvreté, inégalités sociales et école. Sortir de la fatalité, Paris, Berger-Levrault.

BOURDIEU Pierre, PASSERON Jean-Claude, 1970, La reproduction. Eléments pour une théorie du système d’enseignement, Paris, Minuit (Le sens commun).

Le Coran, traduction et commentaire de BOUBAKEUR Hamza (Cheikh Si), 1995 (1972),Paris, Maisonneuve et Larose.

DEBRAY Régis, 2002, L’enseignement du fait religieux à l’école de la République, Paris, Ministère de l’Education nationale, La Documentation française (Bibliothèque des rapports publics).

DEVEUREUX Georges, 1972 (textes originaux anglais 1940-1970), Ethnopsychanalyse complémentariste, trad. de l’anglais par Tina Jolas et Henri Gobard, Paris, Flammarion.

FELOUZIS Georges, LIOT Françoise, PERROTON Joëlle, 2005, L’apartheid scolaire. Enquête sur la ségrégation ethnique dans les collèges, Paris, Seuil.

KAUFMANN Jean-Claude, 2004, L’invention de soi, une théorie de l’identité, Paris, Armand Colin (Individu et société)

KEPEL Gilles, 1991 (1987), Les banlieues de l’Islam. Naissance d’une religion en France, Paris, Seuil (L’épreuve des faits).

LAPEYRONNIE Didier, 2008, Ghetto urbain.Ségrégation, violence, pauvreté en France aujourd’hui, Paris, Robert Laffont (Le monde comme il va).

LEVI-STRAUSS Claude et al., 1977, L’identité, séminaire, Paris, Grasset (Figures).

MORIN Edgar, 1980, La Méthode 2. La vie de la vie, Paris, Seuil (Points).

RICOEUR Paul, 1990, Soi-même comme un autre, Seuil (L’ordre philosophique).

ROY Olivier, 2002, L’islam mondialisé, Paris, Seuil (Points ; essais).

SICARD Frédérique, 2011, Enfants issus de l’immigration maghrébine : grandir en France, Paris, l’Harmattan (Logiques sociales).

SICARD Frédérique, 2008, Evolution de la construction de l’identité culturelle chez des enfants et des préadolescents issus de l’immigration maghrébine en France : analyse de discours, thèse de doctorat de sociologie, sous la direction de KHELLIL Mohand, Université Montpellier III-Paul Valéry, Ecoledoctorale « Espace, temps, civilisation ».

VINSONNEAU Geneviève, 2002, L’identité culturelle, Paris, Armand Colin (U ; psychologie).

Autres

AMSELLE Jean-loup, 2001, Branchements. Anthropologie de l’universalité des Cultures, Paris, Flammarion.

BAUBET Thierry, MORO Marie-Rose, 2009, Psychopathologie transculturelle. De l’enfance à l’âge adulte, Paris, Masson (Les âges de la vie).

BENZINE Rachid, 2004, Les nouveaux penseurs de l’islam, Paris, Albin Michel (L’islam des lumières).

BERGER Peter, LUCKMANN Thomas, 1996 (1973, éd. anglaise 1966), La construction sociale de la réalité, trad. de l’américain par Pierre Taminiaux, Paris, Armand Colin (Références ; sociologie).

BORNE Dominique et al., 2007, Enseigner les faits religieux. Quels enjeux ?, Paris, Armand Colin (Débats d’école).

SEDDIK Youssef, 2004, Nous n’avons jamais lu le Coran, Paris, Editions de l’Aube, 280 p. (Monde en cours).

SFEIR Antoine et al., 2002, Dictionnaire mondial de l’islamisme, Paris, Plon (Les Cahiers de l’Orient).

Autres publications de Frédérique Sicard :
https://www.cairn.info/publications-de-Sicard-Fr%C3%A9d%C3%A9rique–78609.htm


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