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Le concept de stéréotype

Par Fatma ALILATE

Le terme stéréotype a été formé à partir des mots grecs stereos, solide, et tùpos, caractère. Pour W. Lippmann (1922, p. 10) :

« Le véritable environnement est trop important, trop complexe, et trop changeant pour une connaissance directe. Nous ne sommes pas équipés pour gérer une telle subtilité, une telle variété, tant de permutations, de combinaisons… Pour traverser le monde, les gens doivent avoir des cartes du monde. »

Des généralisations utiles

Il n’est possible d’enregistrer qu’une partie des informations provenant de l’environnement. C’est pourquoi, nous nous appuyons sur des catégories pour faciliter tout enregistrement. D’après J.-P. Leyens (3) : « Catégoriser permet de savoir, ou de dire, beaucoup de choses à partir de peu d’éléments, et d’apprendre ou de retenir, peu de choses à partir de beaucoup d’éléments. » De cette manière, nous appréhendons un monde plus structuré, contrôlable et explicable. Cependant, cela correspond aussi à un monde plus simplifié. D’autre part, les catégories en activant une connaissance schématique, forment «des attentes qui sont résistantes au changement », (4).

J.-P. Leyens, V.  Yzerbyt et G. Schadron(4) proposent la définition suivante    :

« Les stéréotypes sont des généralisations basées sur l’appartenance à une catégorie, c’est-à-dire des croyances dérivées de l’inférence que tous les membres d’une catégorie donnée partagent les mêmes propriétés et sont donc interchangeables… On peut dire que les stéréotypes concernent des croyances (dérivées d’un contenu d’information) au sujet des membres d’un groupe, impliquant que le comportement de ces membres est déterminé par leur appartenance (dérivée du processus de stéréotypisation). » Pour information, la stéréotypisation, processus intra-psychique, a pour fonction de donner du sens au monde. Selon J.-P. Leyens et al. (4) : « Les stéréotypes sont des croyances partagées au sujet des caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais aussi souvent des comportements, d’un groupe de personnes. » Afin d’illustrer ces propos, voici une anecdote rappelée dans l’ouvrage de J.- P. Leyens et al. (4), issue de Social cognition de S.-T. Fiske et J.-B. Taylor (1991) : « Un de leurs amis était assis dans un centre commercial quand il entendit crier. Il vit deux Noirs en train de courir et derrière eux, un agent de police. Le temps pour cet ami de réaliser ce qui se passait, et un des Noirs était déjà loin. Toutefois, il eut le temps de plonger sur le second. Cet ami qui s’imaginait dépourvu de préjugés, vécut un moment extrêmement embarrassant lorsqu’il réalisa que le Noir qu’il avait immobilisé était le propriétaire du magasin qui avait été dévalisé quelques instants auparavant… »

Utiles mais limitées

J.-P. Leyens et al. précisent d’ailleurs que le stéréotype en tant que jugement peut être négatif, mais qu’il ne faut pas se centrer seulement sur cet angle : « N’insister que sur cet aspect mène à considérer le stéréotype surtout ou exclusivement comme un artifice paresseux et inamical utilisé pour commercer avec le monde alors qu’il pourrait être conçu comme un instrument créatif donnant du sens à ce monde », (4). En outre, les stéréotypes sont assimilés à des préjugés, à des jugements rigides, à des erreurs de perceptions liées à des réductions abusives. Pourtant, J.-P. Leyens et al. n’adhèrent pas à ces opinions : « Les stéréotypes ne sont pas seulement des listes d’attributs. Ils fonctionnent aussi et surtout comme des explications théoriques naïves du monde. (…) Les stéréotypes simplifient certainement la réalité, mais ils ne résultent pas nécessairement d’une paresse intellectuelle. (…) La stéréotypisation est un processus normal et raisonnable », (4). Des contenus de stéréotypes peuvent être détestables. Par contre, les stéréotypes sont « utiles et inévitables », (4). De plus, J.-P. Leyens et al. préconisent de cerner en aval les théories sous-jacentes et leurs fonctions pragmatiques. De cette façon, nous appréhenderions les stéréotypes en tant que significations explicatives et pas seulement comme des généralisations d’informations non fondées.

Les stéréotypes influent sur la performance cognitive

Or si l’on accepte de reconnaître l’utilité des stéréotypes, on peut tout de même s’interroger sur l’impact de ceux-ci sur les cibles au niveau de leurs représentations, de l’image de soi. De sorte que dans leur article, M. Desert, J.-C. Croizet et J.-P. Leyens (2) se basent sur l’étude de C.-M. Steele et J. Aronson (1995), qui mit en valeur l’effet négatif des stéréotypes sur les performances, jusqu’aux cibles elles-mêmes. Ainsi, la force des stéréotypes, fait que la personne qui en est la cible, peut voir son comportement interprété uniquement en fonction de celui-ci, au détriment de ses caractéristiques individuelles. Les conséquences risquent d’être un trouble du fonctionnement cognitif et un comportement de la cible… conforme au stéréotype !

Fatma Alilate Conseillère d’orientation psychologue

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Bibliographie

(1) Bourhis, R.-Y. et Leyens, J.-P. (1994). Stéréotypes, discriminations et relations intergroupes. Bruxelles, Mardaga. (2) Desert, M., Croizet, J.-C. et Leyens, J.-P. (2002). La menace du stéréotype : une interaction entre situation et identité. L’année psychologique, n°3, p. 555-576. (3) Leyens, J.-P. (1983). Sommes-nous tous des psychologues ? Approche psychosociale des théories implicites de personnalité. Bruxelles, Mardaga. (4) Leyens, J.-P., Yzerbyt, V., Schadron, G., (1996). Stéréotypes et cognition sociale. Bruxelles, Mardaga. (5) Lippmann, W. (1922). Public opinion. New York, Harcourt & Brace.

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